[SPOILER] la geste de Grunnïr 4
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Clairval jour 1
Nous quittâmes les marchands pour nous diriger fissa vers le temple. Une moniale à moitié à poil disait connaître Karoom ; je me rappelle vaguement d'une chiarde qui me cassait les esgourdes sans arrêt en pleurant. Milau, elle s'est endurcie la petite, mais quelle idée de se balader comme ça... Sûrement un truc de fêlé du casque pour montrer sa volonté. Bref... La petite druide avait aussi à faire au temple: Muguette... Un nom de bovin. Mis à part ce choix douteux de ses parents elle a l'air sympathique. Elle contrebalance l'air maussade d'Elendëe, qui nous a suivi à contre-coeur semble-t-il, à moins que râler en toute circonstance soit sa religion. Les deux autres ont l'air plus louches. La prêtresse bicolore, Sygil, je ne sais même pas pourquoi elle nous suit. Je ne suis pas sûr qu'elle le sache elle-même... Dans le genre attaquée du bonnet... Et enfin il reste le grand elfe tout pâle aux cheveux délavés, Gladil : je réserve mon jugement pour plus tard, sa tronche ne me revient pas. Sur le chemin nous perdîmes du temps pour savoir d'où pouvait bien venir un môme qui nous était passé sous le nez en courant. Nos chers pisteurs s'arrêtèrent devant un arbre et annoncèrent qu'il venait de là-haut et... c'est tout. Quelle talent! Demi-tour: direction le temple. C'était un beau foutoir : pas de Karoom mais des gobelins qui avaient salopé le temple avec leur merde. Nous apprîmes plus tard qu'ils avaient piqué la clef et étaient venus faire la fête pendant l'absence du vieux.
Gladil délira sur une porte qui devait à jamais rester fermée J'ai rien pigé Puis nous entrâmes dans la bâtisse. Elendëe tenta de discuter, elle récolta une caillasse dans la gueule. Echec des négociations, nous leur collâmes donc une raclée. C'est pas solide un gob... J'en capturai un. Nous lui hurlâmes poliment dessus pour savoir comment il était entré, mais il ne voulu pas desserer les dents. Alors Sygil proposa de le torturer... Quand je disais qu'elle avait l'air bizarre. C'est l'elfe palôt qui s'y colla et lui ficha une torche sous le nez, sans frémir. Le gob chia dans son froc et lâcha le morceau pour la clef. Elendëe tint à le tuer... Elle devait être rancunière pour la bosse sur sa caboche. J'aurais pluôt aimé qu'il aille dire à ses potos de pas s'approcher du temple. L'absence de Karoom nous paraissant suspecte, nous nous dirigâmes vers le village pour en apprendre plus. Il devait bien être dans les parages, après tout c'était la fête d'inauguration de son temple. Sur la place je pris un gamin en train de me fouiller les poches. Il alla se cacher dans les jupes de la rombière qui l'avait pondu, et celle-ci me traita de voleur... Je gardai mon sang froid et m'abstins de lui coller une beigne.
Le vieux croûlant qui sert toujours de bourgmestre à Clairval depuis des décennies nous informa du départ de Karoom pour chercher une relique. Cela fait quelques mois, il va bien finir par revenir, il est solide comme un roc le vieux. En attendant c'est Krush, un autre héros de l'histoire locale, qui garde le temple ; autant confier ça à un aveugle vu le résultat... Avant de se mettre en route pour la clairière des héros, le trou où l'orque a décidé d'habiter, nous glanâmes des informations sur le gamin de la forêt. Il s'appelle Kyrin, un muet ; manquait plus que ça. Sa mère était inquiète et nous demanda de lui courir après... Et dire que j'avais peur de m'ennuyer. Nous arrivâmes à la clairière en fin d'après-midi. Maella, toujours aussi cinglée, sortit de sa bicoque, déblatera quelques inepties à propos d'un elfe... et puis elle disparut dans un éclair. L'âge ne l'arrange pas. J'ai cru que Milau allait se mettre à chialer quand elle retrouva Krush (son père adoptif). Le père en question est dans le genre moins sensible. Il semblait d'ailleurs paumé et il ne reconnut pas la moitié d'entre-nous. Pour finir il nous ferma la porte au nez pour aller bouffer, sans nous offrir la moindre part. Nous n'avions rien appris d'interessant. Avant de terminer à l'auberge pour la nuit, nous fîmes un crochet par la maison de Kyrin, histoire de voir si il n'était pas rentré. C'était le cas. Langage des signes, gesticulations idiotes: il avait vu des gobelins dans la forêt, c'est ça qui lui avait fait peur. Nous tirerons ça au clair demain, ces gobs s'approchent un peu trop du village. Les lits de cette auberge ne sont pas mauvais. Ca change des carrioles de ces derniers jours.
Clairval jour 2
Alors que nous allions nous mettre en route, un type s'était mis à gueuler sur la place: son fils avait disparu. Dans le coin les gens sont sensibles à ça. Le pélo avait reçu un coup derrière la tête pendant la nuit et Louki (le nom de son chiard) n'était plus là à son réveil. Voilà une raison de plus de chercher les gobs ; par Arshran, c'est pas possible d'être aussi faible et de faire autant de conneries... Un autre héros arriva sur ces entrefaits : le baron. Lui il est vraiment aveugle, et aussi à moitié désseché. Il nous débita quelques banalités, nous souhaita bonne chance, et s'en retourna moisir dans sa tour. Nous partîmes donc vers le Nord. Elendëe et son loup ouvraient la voie. Au bout de quelques heures nous tombâmes sur un ravin où nous fîmes une rencontre fortuite: deux gobelins avec des sacs de sucreries piqués au village. Ils ramassèrent une dégelée : Elendëe et Muguette les stoppèrent net à coup de flèches. Avant de claquer en se vidant de son sang, l'un d'eux nous indiqua l'emplacement de son camp : au Sud, près de la rivière.
Après avoir planqué les sacs dans un arbre (le gros avec une branche tordue à l'orée de la forêt, en face du rocher en forme de patate sur le bord du ravin), nous reprîmes la route. Nous passâmes devant la carrière de pierre du temple. La bicoque des ouvrios s'avéra vide. Sygil et je ne sais plus qui, certainement Gladil, voulurent défoncer la porte. Ces deux-là feraient bien d'apprendre la politesse avant que je me charge de leur donner des cours. Pour cette fois nous réussîmes à leur faire passer l'idée et nous poursivîmes notre route. Les gobs campaient dans un vieux moulin en ruine. Ces tocards avaient piqué des vaches : si ils voulaient se mettre à dos la populace locale ils ne s'y prendraient pas mieux. Nous capturâmes le garde avec un subterfuge minable (c'est con un gobelin): lui faisant croire à une montagne de sucreries planquée dans la forêt. Puis nous obtînmes une entrevue pour tailler une bavette avec le chef. Cette tribu est apparemment composé de lopettes qui ne savent que geindre. Ce sont des Nok-Nok. Ils habitaient dans le coin, peinard, et se sont fait déloger par les Crânes-Creux. Ces derniers viennent d'ailleurs, l'Est ou le Nord j'ai oublié et apparemment foutent le merdier.
Nous donnâmes de précieux conseils aux Nok-Nok : rendre les vaches et arrêter de barboter des trucs, si ils ne voulaient pas voir leurs têtes empalées sur des pieux. Cela fait, nous partîmes en direction du Nord, vers la caverne appartenant anciennement aux Nok-Nok, pour continuer notre oeuvre civilisatrice et obtenir des informations auprès des nouveaux propriétaires. En ce moment nous campons dans la carrière du temple, étrangement déserte. Je n'ai plus de lumière, il est temps de pioncer.
Clairval jour 3
Nous fûmes réveillés au milieu de la nuit par Elendëe qui nous dit avoir repéré un truc louche. En effet, une dryade se tenait à l'orée de la forêt. Avant que nous fussions décidés sur la façon d'agir, elle s'était enfuie. J'eus du mal à me rendormir : cette histoire allait nous porter la guigne ; voir une créature magique au milieu de la nuit n'est jamais de bon augure. Au matin, la flotte commença à tomber, s'ajoutant à notre déveine : quand les Dieux se soulagent, on se retrouve vite sous des wagons de merdailles. La journée sentait mauvais, d'ailleurs ce qui empeste encore plus qu'un gobelin, c'est un gobelin mouillé... Et aussi le loup d'Elendëe. Nous continuâmes à longer le ravin à la recherche des crânes-creux. Il ne fallut pas longtemps avant que nos éclaireurs repèrent des voix, en contrebas. Une fois sur les lieux, nous évitâmes une volée de flèches et nous trouvâmes l'entrée de la grotte ; le fumet qui s'en échappait laissait peu de doute sur les propriétaires. Nous nous essayâmes à la discrétion : nous entrâmes en rampant, mais les torches des gourdiflots qui ne voient pas dans le noir nous firent vite repérer. Je crus qu'Elendëe allait s'étouffer à force de pester. Il y eut des cris rauques, des pas précipités, puis un grondement qui promettait un peu d'action. Un warg nous tomba dessus et je m'interposai héroïquement pour protéger les faiblards qui préféraient rester à distance.
Je ramassai plusieurs méchants coups de pattes tandis que mes comparses lançaient la plupart de leurs flèches dans les murs où donnaient des coups de masse dans le vent. Gladil regardait la scène et s'excusait de ne pouvoir nous aider. Avant de m'écrouler, j'assénais un bon coup de hache au monstre et je lui fis bouffer une torche. Sygil eut la bonté de jeter un sort pour que je reprenne mes esprits. Je me redressai avec l'impression que l'on me cognait le crâne contre une montagne. Cependant, mon sacrifice n'avait pas été vain : le bestiau était à terre. Déjà ça glapissait plus loin dans le couloir. Un troupeau de gob débarqua, avec le chef : il était plus gros et empestait plus que les autres. Les archers firent ce qu'ils pouvaient : deux gobelins tombèrent avant de nous atteindre et le gros tas puant pris la fuite. J'eus peine à soulever ma hache. L'avorton qui se présenta devant moi en profita pour me saigner. La journée touche à sa fin, nous sommes devant la grotte. Elendëe venait de me sauver apparemment. J'avais dormi un moment, et cette fois, c'était le monde entier qui tapait contre ma caboche. Sygil aussi avait reçu un sale coup contre les gobelins. Nous allons passer la nuit ici. Demain ce loquedu de chef gobelin passera à la caisse... Et si une autre dryade se ramène cette nuit, je lui ferai bouffer ses viscères.
Clairval jour 4
La journée partait sous de meilleurs auspices : pas de dryade à l'horizon, il pleuviotait toujours un peu, mais rien de bien méchant. Nous entrâmes à nouveau dans la grotte, cette fois Elendëe se mit en éclaireur et nous dénicha rapidement le chef. Elle eut l'idée de génie de parlementer. Nous aurions surtout dû lui faire ravaler ses dents avant de commencer ; bien entendu, c'était un piège... Les bas-du-culs qui arrivèrent derrière étaient malingres et peu nombreux. Ma vieille aurait pu leur expliquer comment préparer une embuscade... En voyant tomber ses sbires, le chef se mit à nouveau à fuir en souillant le drap qui lui servait de froc... C'était à se demander comment il avait prit la tête de sa tribu. Bref, nous le capturâmes et l'interrogatoire commença. Il pleura d'abord sur sa warg qui jouait les carpettes dans l'entrée, puis il nous parla de „grosses bêtes“ : des orcs venus du Nord qui les avaient délogés et obligés à descendre dans cette région. Quand nous lui demandâmes pourquoi ils foutaient la merde en place de faire profil bas, il nous servit un discours sur la force et la cuisine des cerveaux. C'est à ce moment que je décidai en avoir assez entendu : j'éparpillai sa tête et son maigre contenu dans la pièce à l'aide de ma hache. Je me sentais revivre. Nous nous servîmes dans son trésor et son équipement (allez savoir comment un gob péteux s'était retrouvé en possession d'une épée magique), puis nous continuâmes l'exploration de la grotte.
Par malheur, le chaman du clan croisa notre route. À l'annonce de la mort de son boss il tenta de nous électrocuter à coup de magie, Sygil se rata et prit le choc de plein fouet. Une fois mis hors d'état de nuire, il nous raconta qu'il était le nouveau chef et qu'il était fort. Muguette me prit de vitesse et le balança du haut de la ravine devant laquelle nous nous tenions. Je n'aurais pas fait mieux. Nous fîmes ensuite le tour de la grotte, plutôt déserte maintenant que nous l'avions nettoyée de tous les imbéciles auto-proclamés „chefs“ gobelins. J'étais partant pour en détrôner un troisième au besoin. Dans un recoin, nous trouvâmes les femmes et les enfants de la tribu. Elles n'en menaient pas large. Elendëe annonça que nous venions en paix et une gobeline crasseuse courut vers nous. Elle parlait le commun et nous dit avoir perdu son fils : Mok (ou Pok?). Il jouait souvent avec Louki, notre piste s'avérait donc être un fond de mine. Après avoir promis à la daronne de lui renvoyer le marmot si nous le retrouvions entier, les dieux nous poussèrent vers le village. Nous étions à sec d'idées nouvelles. Nous expliquâmes au bourgmestre que nous avions pacifié la région, éliminant la menace gobeline, mais le gosse restait encore introuvable. Malgré le service rendu, il n'eut pas l'air jouasse. Nous obtînmes tout de même l'information que Louki était ami de Kyrin et Parlui, le merdeux qui avait tenté de me faire les poches.
Quand nous les trouvâmes, ils ne voulurent rien dire. Et la mégère de l'autre jour s'en mêla avant que nous ayons le temps de les bousculer un peu _fichue époque et ses enfants rois ! Muguette joua de ses charmes : elle apitoya la greluche sur le sort des pauvres chiards sans défenses, qui disparaissent sans laisser de traces et courent de graves dangers, blablabla... Et contre toute attente cela fonctionna. Avec quelques pièces de cuivre, nous obtînmes de Kyrin qu'il nous guide vers la cachette des fugueurs : elle se trouvait dans la carrière du temple, sous nos pifs depuis des jours. Nous débutâmes l'exploration de la caverne. Ca grattouillait et ça frottait dans les parois, le genre de truc qui fleure les ennuis dans une mine... Muguette trouva les deux gosses : ils avaient fugué pour „vivre toujours ensemble dans leur royaume secret“, et autres niaiseries de ce genre. De l'éducation à coup de panard et du labeur à la dure, c'est ce qui manque aux jeunots de ce village. En tout cas leur affaire avait viré au cauchemar quand une bestiole s'en était mêlée. D'ailleurs, le grouillement s'était rapproché et ressemblait maintenant au boucan que font les foreuses naines. Quand l'horreur déboucha du tunnel, Gladil glapit le nom d'Ankheg : une espèce de gros insecte dégoulinant de bave acide. C'était tellement moche que ça méritait de crever. Je me précipitai dessus et elle s'enfouit pour surgir dans mon dos. Tandis que les branquignols jetaient des dagues et des morceaux de bois, cassaient leurs arcs, ou s'amusaient à se planter des flèches dans les arpions, je lui fendis le crâne en deux. Je récoltai simplement une cicatrice de plus, sur le bras droit, qui avait été cautérisée à l'acide, pratique. Cela faisait une nouvelle marque attestant de mon courage. Le groupe refusa de se mesurer aux chauves-souris géantes qui peuplaient encore l'endroit. Je déteste le travail à moitié fait... De l'avis majoritaire, nous prîmes le chemin du retour après avoir renvoyé Lok (ou Prok?) chez sa vieille. Dès notre arrivée au village, nous fûmes gratifiés de courbettes, d'ovations, de discours... Et d'un joli pactole en pièces d'or. L'affaire s'était avérée lucrative et nous venions de gagner une bonne renommée auprès des habitants. Cela ne décrocha même pas un sourire à Elendëe... J'ai décidé de rester dans la région quelque temps ; je ne donne pas trois mois avant de voir débarquer un paquet d'orcs dans les environs. Ca vaut le coup d'attendre.
Clairval jour 36
Une charrette arriva dans le village, créant l'événement. Un nobliau propret descendit en grimaçant devant les flaques de boues et se dirigea en se dandinant vers le château du baron. Cette lopette aurait mieux fait de rester chez elle, de la boue il n'y avait que ça dans ce pays. Les trois autres occupants se dirigèrent vers la taverne. La routine s'était installée durant le mois que je passais à Clairval et ni Karoom, ni les orcs ne s'étaient montrés. Chaque jour des wagons de flotte tombaient du ciel et arrosaient un paysage qui dégorgeait d'eau de toute part. Cela rendait Elendëe paranoïaque : quand nous avions le malheur de parler du temps, elle évoquait de la magie noire et de mauvais présages. Je la laissais jacter avec les arbres et son loup ; elle aurait donné des envies de suicide à un halfeling...
En parlant de ça : Muguette avait apprivoisé une panthère. Elle avait appartenu à un forain qui l'esquintait. La druidesse s'en était rendue compte et elle avait menacé le camelot de l'enfermer dans la cage avec son bestiau. Il avait déguerpi en laissant la bestiole sur place, qui hérita du patronyme douteux de Minette. Elle aurait peut-être dû rester avec le forain et continuer à se faire taper dessus... J'avais occupé mon temps à m'endurcir le cuir, histoire de ne plus flancher comme un tocard sous une pichenette de gob minable : courir en forêt, cogner les arbres avec la tête jusqu'à voir flou, déraciner des souches à mains nues... Je sentais que cette hygiène de vie avait porté ses fruits. Les villageois que je rencontrais me prenaient pour un demeuré, mais ils n'osaient plus rien dire depuis l'autre soir à la taverne : un type avait renversé ma bière. Quand il était rentré chez lui, sa bergère ne l'avait pas reconnu et en avait remis une couche. Gladil aussi vaquait en forêt : il ramassait des animaux morts et leur parlait, les faisait sécher au soleil ou récoltait leur sang. Je l'avais vu fasciné par un mulot décomposé ; vrai, il avait passé l'après-midi à tourner autour en psalmodiant des trucs incompréhensibles... J'avais juré de le garder à l'œil depuis ce jour. Nous avions nos quartiers à la taverne. Le taulier nous faisait un prix et sa pisse d'âne désaltérait bien. Elle cognait seulement un peu sur le casque au réveil. J'aimais la table près de la fenêtre : c'était un bon poste d'observation pour la faune locale.
Sygil soliloquait habituellement dans le village. Elle dialoguait avec des légumes et faisait des offrandes de topinambours à Lucérion. Quand un type avait le malheur de croiser sa route, elle tentait de le convaincre de devenir son disciple. Après une heure de discussion, il repartait généralement en larme ou à moitié hystérique, et la prêtresse n'avait toujours pas de disciple... Quant à Milau, elle avait découvert la vraie vie en ramassant une baffe d'un gobelin. La conscience lui était venue qu'elle avait du jus de navet dans les veines. Elle avait donc décidé de s'endurcir. La voyant immobile durant des heures, j'avais eu la faiblesse de lui proposer une séance d'entraînement en forêt et je m'étais ramassé un cours sur la méditation et l'intériorisation de l'énergie... J'avais jamais autant eu envie de me pendre (sauf à parler du temps avec Elendëe) et je serais certainement passé à l'acte si cela avait dû se reproduire. Je l'évitais donc soigneusement. Bref, cette charrette tombait bien, ne serait-ce que pour éviter de devenir cinglé. Nous nous retrouvâmes donc tous à la taverne, autour des deux gardes et du gnome. Ils dirent venir de Wisks pour livrer une charrette de vivres jusqu'ici, elle devait ensuite être acheminée à Fort-Boueux. Je sautai sur l'occasion et je proposai que nous changions d'air : une vadrouille vers le Nord nous dégourdirait les pattes. De toute façon, les branques du coin n'étaient pas taillées pour la route, qui d'autres que nous pouvaient donc emporter ces marchandises ? Le bourgmestre ne s'y était pas trompé : avant que nous puissions proposer nos services, il nous fit appeler pour nous donner le job. En plus de la camelote, nous récoltions Julius (la mauviette qui tortille du cul devant la boue) : frérot de la commandante Mortemire de Fort-Boueux. Nous devions l'amener à sa frangine, si possible intègre, sachant qu'il était aussi débrouillard qu'un chiard attardé. Voilà qui promettait...
Le départ était prévu le lendemain et il restait à se préparer. Milau et Gladil voulurent aller voir le baron, le réel commanditaire de cette tâche, pour négocier un prix ou recevoir plus d'informations. Il n'avait certainement rien à nous dire de plus, et négocier au risque de se voir retirer la mission n'était pas dans mes intentions. Je proposai donc un concours de boisson afin de régler le différend à l'amiable. Gladil se défila, Milau accepta, et Muguette (qui n'avait rien à voir dans l'affaire) se joignit à nous. Elle tenait plutôt bien pour une demi-portion, par contre la moniale roula sous la table au premier tour et Sygil se proposa d'aller la coucher. Comme cette tête de nœud refusait, la prêtresse lui fit une clef de bras et lui noua les poignets avec sa natte. Elle la traîna ensuite par les pieds à travers la grande salle et nous entendîmes sa tête cogner régulièrement contre les escaliers. Quand Sygil redescendit en affirmant avoir fermé la chambre à double tour l'assistance resta médusée. Quant à moi, j'avais de sérieux doutes sur l'efficacité de l'entraînement méditatif... Gladil s'obstinait dans son refus de boire malgré les insultes que je lui balançai. J'allai donc faire mon paquetage et affûter ma hache, en espérant que sa face de cadavre ne nous attire pas d'ennui de la part du patron. J'étais rassuré que Muguette l'accompagne.
Route de Fort-boueux jour 1
La veille, la petite druidesse avait failli faire scandale chez les aristos en hurlant n'importe quoi... Finalement, elle ne tenait pas si bien l'alcool. Heureusement, rien de fâcheux n'était advenu. Nous nous retrouvâmes au rendez-vous à l'aube pour faire la connaissance officielle de Julius : c'était bien un gros naze qui, sans même dire bonjour, commença à reluquer Sygil. Il s'endormit ensuite dans la charrette en se réveillant régulièrement pour gerber sur la route.
Après cinq lieues, Milau (qui conduisait la charrette) fonça droit dans un bourbier. Le temps que nous sortions de là, Julius avait disparu. Nous entendîmes un braillement venant de la forêt et nous décidâmes d'aller sauver le damoiseau en détresse, en laissant la marchandise aux bons soins de Muguette et sa panthère. Gladil flaira l'odeur d'un cadavre en putréfaction et nous faussa compagnie en douce, complètement givré ce type... La piste nous mena à une caverne qui sentait la moisissure et le renfermé. Nous fîmes la rencontre de quelques habitants : des cloportes de la taille d'un chien ; je me demande ce que bouffent ces insectes pour être aussi balèzes. J'en réduisis un en bouillie sur le champ, tandis qu'Elendëe tirait des flèches n'importe où en gueulant après les dieux. Pendant que nous abattions le travail, Milau se livrait à la méditation : son visage d'abord blanc sembla passer au rouge, puis tira vers les tons violacés. J'allais la secouer à coup de gnons pour lui rappeler la situation, quand elle se mit à beugler en enchaînant une série de coups de poings qui réduisit en miette la bestiole en face d'elle. Comme Sygil et Elendëe pataugeaient avec le dernier cloporte, je les aidai en l'achevant. En poursuivant l'exploration de la caverne nous trouvâmes Julius, moins malade mais tout aussi pâlot. Il fut incapable de nous dire ce qui lui était arrivé, ça aurait été d'ailleurs inutile vu que le ravisseur se présenta de lui-même : un gobelours. Durant ce dernier mois, j'avais vu des mocheries, mais rien qui ne s'apparenta à cette erreur de la nature : un savant mélange d'ours malade, assortis des parties les moins ragoûtantes d'un gobelin. Je décidai de lui enfoncer mon marteau dans le crâne, histoire de voir s'il était aussi dangereux que repoussant.
Il encaissa le premier coup sans broncher et se vengea sur Milau qui se tenait près de moi. Plutôt que de répliquer à son tour, elle préféra vaillament reculer et pleurnicha pour avoir des soins de la part de Sygil. Quand elle fut ragaillardie, elle se décida enfin à frapper, une flèche et un dernier coup de hache eurent raison du gros gob. Finalement, sa force ne valait pas sa trombine... Muguette arriva sur ces entrefaites avec sa panthère, juste à temps pour être enfermée avec nous dans cette foutue grotte : ça se mit à trembler et le plafond faillit nous tomber sur la caboche. Un éboulis bloquait maintenant l'entrée. Sur le cadavre de la mocheté, nous trouvâmes un collier en or et de la menu monnaie que je gardai pour un partage ultérieur. Sygil affirma que le collier était magique : un collier d'arme enflammé. Comme chacun prêchait pour son temple, ce qui est normal dans cette situation, je sortis mon jeu de dés et proposai de jouer la babiole. Arshran était avec moi : je remportai la partie haut la main. Il s'agissait maintenant de sortir de ce trou à rats et nous entamâmes l'inspection des galeries. Derrière une porte nous découvrîmes un temple elfique avec de l'eau croupie et, dans une des salles attenantes, un coffre suspect. Elendëe remarqua un trou au-dessus de la serrure et elle n'osa pas l'ouvrir. Je me plaçai sur le côté, demandai à tout le monde de dégager le passage, et je soulevai le couvercle.
La première fléchette alla se perdre contre le bassin, les concepteurs avaient eu le nez creux et avaient placé une fléchette sur chaque côté également... J'en reçu donc une dans le buffet et une saloperie de poison m'embruma l'esprit. Je voyais double ; heureusement que la sale trombine de Gladil était partie faire un tour, je ne l'aurais pas supporté deux fois. Je pris les vingt-deux pièces d'argent pour le partage, et Milau récupéra des bracelets en argent de défense. Nous lui avions octroyé d'un commun accord : elle en avait bien besoin, ça lui éviterait peut-être de fuir à chaque baffe... Comme personne ne s'interessait à l'épée longue qui restait, je la fourrai dans mon paquetage avant de suivre le groupe. Nous décidâmes de laisser la seconde porte de côté, vu mon état et les bruits suspects qui résonnaient derrière. Dans la pièce suivant la troisième porte nous découvrîmes des squelettes en sale état qui auraient fait bondir de joie l'autre elfe cinglé. Tandis que Muguette et Elendëe remuaient les os et écoutaient derrière la porte du fond, tout ce bazar se mit en branle et se redressa. Nos éclaireurs opposèrent une défense farouche : Elendëe décocha une flèche dans le plafond et entreprit de brasser l'air avec son épée en espérant toucher ses ennemis... Minette s'emmêla les pattes dans sa queue, et Muguette reçut suffisamment de coups pour tomber inconsciente. L'arrivée de Milau sembla redonner du courage aux valides restant : elle montra l'exemple en réduisant en morceaux le premier squelette et Elendëe lui emboîta le pas. Quant à moi, je ne savais pas lequel de mes deux adversaires taper et ma hache tombait toujours entre, dans le vide. C'est à ce moment que Sygil cessa enfin de marmonner des trucs idiots à propos de légumes offert à son dieu, et déchaîna une onde de choc qui mit en pièces les revenants. Nous finîmes tranquillement le travail. Avant d'aller nous reposer, et comme ma vue semblait s'éclaircir, nous nous dirigeâmes vers la dernière porte du temple elfique : c'était un vieux stock pourri, les grattements entendus tout à l'heure avaient cessé. Malgré les précautions prises, nous oubliâmes de lever les yeux. Une chauve-souris géante nous tomba sur le râble et me planta ses crocs empoisonnés dans le lard... À nouveau j'étais groggy. Je vis vaguement la panthère débarouler en furie et foncer dans le mur, Sygil se couper avec sa dague et Muguette laisser tomber son arc. Heureusement Elendëe, après quelques mouvements étranges que j'imaginais être une danse rituelle, terrassa le monstre. Il était temps de se reposer. Deux doses de poison dans la même journée suffisent à tout nain qui se respecte. Le groupe fut d'accord et nous campâmes dans l'antre du gobelours, après avoir soigneusement refermé toutes les portes de ce fichu temple.
Route de Fort-Boueux jour 2
La nuit fut rassénérante et je me sentais prêt à bouffer du dragon. Nous décidâmes d'explorer le tunnel près de l'entrée de la grotte. La galerie s'avéra être un cul-de-sac. Il ne restait donc plus qu'une porte : celle derrière la salle aux squelettes. Nous nous préparâmes à entrer, Sygil invoqua l'aide de Lucérion : ça picotait et ça donnait envie de dire n'importe quoi, mais nous nous sentions plus fort. Toutes ces précautions furent utiles : en lieu et place d'un nécromancien, une mante-religieuse de trois mètres nous fonça dessus. Elle tombait à pic, j'eu une envie soudaine de nettoyer cette forêt de toutes les horreurs démesurées qui la peuplaient : je lui collai un bon coup de hache entre les deux yeux et Elendëe la termina avec un coup d'épée dans le flanc. Notre rôdeuse eut la bonne idée de fouiller la fontaine : il s'y trouvait un parchemin pourri écrit dans une langue étrange, une cotte de maille magique trop large pour quiconque et dont les effets restèrent mystérieux, ainsi que cent quatre-vingts pièces d'argent que nous partageâmes aussitôt. La sortie de ces tunnels malsains se trouvait enfin devant nous, et l'air frais nous fit du bien, surtout que la pluie s'était calmée. Nous récupérâmes le charriot et nous reprîmes la route. Milau continua à conduire n'importe comment et renversa la charrette. Cela me fit un peu d'exercice : je la remis sur ses roues d'une main, ça ne valait pas une souche bien accrochée. La journée se déroula sans plus de faits notables et nous montâmes le camp le soir venu. J'oubliais : Elendëe s'était presque fait bouffer par un loup alors qu'elle jouait à l'éclaireur.
Route de Fort-Boueux jour 3
Une journée monotone : de la boue avec de la boue et de la boue... Et encore plus de boue. Aujourd'hui Milau sembla mieux s'y prendre avec les bœufs. Nous dûmes dégager la route d'une paire d'arbres : tandis que je poussai le premier, Muguette s'occupa seule du second. Le groupe s'extasia devant „l'exploit“ du halfeling. Ca n'était pourtant rien à côté du redressage de charrette de la veille, et cette bande d'ingrats n'avait pas eu le moindre signe de reconnaissance... Juste avant d'arriver à Vireux la route se mit à monter raide. Un jeu de corde, avec des arbres en guise de poulie, nous permit de la tracter en haut sans trop d'efforts. Les habitants de Vireux furent plutôt accueillants. Seul fait notable de la soirée : Julius fit de l'œil à toutes les gonz du coin, les esprits s'échauffant, nous l'avons recadré. Il dort maintenant entre le loup et la panthère. Par précaution, j'ai attaché une corde à sa cheville dont j'ai enroulé l'autre extrémité à mon poignet.